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Cell broadcast

Cell broadcast, ou la diffusion d'alerte via le réseau GSM.

TL;DR

Ça fonctionne avec tout téléphone mobile, même tout simple (non "smart"), tout opérateur, sans connexion Internet, sans GPS, et situé dans une zone couverte par (au moins) une antenne.

Edit 31 juillet 2022 : En fait non, en France, cela ne fonctionnera que pour les mobiles connectés en 4G et (plus tard) en 5G. Pour les mobiles d'ancienne génération (2G, 3G), une autre solution sera utilisée.

Pourquoi alerter ?

Tenir informé de la population d'un risque imminent (séisme, tsunami), en cours (incendie, pollution de l'air) est primordial, afin de limiter au maximum les expositions au danger.

Comment alerter ?

En France, un ensemble d'outils, appelé SAIP (Système d'Alerte et d'Information aux Populations1) est en place. Les alertes peuvent être déclenchées par les services du ministère de l'intérieur (préfet, cellules de gestion de crise), par les services de secours (SDIS Services Départementaux d'Incendie et de Secours, les pompiers, donc), la municipalité (maire) et les services des armées.

Plus d'informations : https://www.interieur.gouv.fr/Alerte/Alerte-ORSEC/Qu-est-ce-que-le-SAIP

La sirène

Le système le plus simple pour alerter est la sirène. Cependant, ce système informe juste de la présence d'un danger. Aucune information concernant ce danger, les risques ou la nature ne peut être véhiculé par ce système.

À noter : afin de vérifier le bon fonctionnement de la sirène, un test est fait le premier mercredi de chaque mois, à midi.

À noter : il y a plus de 2 000 sirènes en France. Source : interieur.gouv.fr

Les médias

Les médias dits « traditionnels », comme les journaux papiers, la télévision et la radio, sont utilisés pour la diffusion d'alertes. Des spots TV/Radio notamment lors d'alerte enlèvement furent déjà utilisés par le passé. Pour les journaux, le délai entre l'annonce et la publication (journal disponible) est plutôt important, ce qui rend ce support non adapté dans des situations d'urgence (attentat, accident industriel grave, alerte incendie…)

Même si ce ne sont pas des médias à proprement parler, certains systèmes d'affichage, comme les panneaux informatifs autoroutiers ou municipaux peuvent également être utilisés pour la diffusion d'alertes.

Les applications « smart »

Parmi les autres méthodes, il y a la mode du « smart », qui, comme son nom l'indique, consiste à utiliser des méthodes stupides, avec des technologies absolument pas fiables, sur lesquels les notions de « environnement dégradé » et « réseau saturé » sont simplement oubliés. Gros avantage, cela permet de signer de gros chèques avec de gros éditeurs (300 000€)2.

L'application pour téléphone mobile tournant sur iOS ou Android, s'appelant SAIP (pourquoi faire compliqué), ou « alerte attentat », fut une de ces méthodes « smart ». En pratique, cette application fonctionnait tellement mal que le gouvernement a abandonné le projet et la maintenance de l'application. Les griefs retenus furent :

  • nécessite un téléphone compatible ;
  • nécessite un abonnement Internet fonctionnel ET activé sur le téléphone ;
  • doit fonctionner en permanence (en arrière plan) ;
  • le système de géolocalisation (GPS) doit être actif et la position connue par le téléphone ;
  • le faible déploiement de l'application (seulement 900 000 installations).

En pratique, l'application fonctionnait très mal. Les alertes émises ne concernaient pas forcément la bonne zone, ou alors, avec des délais trop long (2 heures entre l'émission de l'alerte lors de l'attaque à Nice en juillet 2016 et la réception sur les téléphones). Voire, n'arrivaient pas du tout (attaque du Super U à Trèbes).

Les réseau sociaux

Suite à ces échecs, le gouvernement a concentré ses efforts de communication, notamment sur Facebook et Twitter. L'utilisation de Safety Check de Facebook (déjà ultra intrusif au niveau vie privée) ne fait que renforcer le pouvoir de Facebook (encore plus de données fiables, donc valant encore plus cher sur le site web publicitaire avec ses milliards d'abonnés).

Après, le gouvernement préfère les GAFAM aux entreprises locales… rien de nouveau.

La diffusion cellulaire

Et enfin (et le but de cet article), la méthode qui est mise en place depuis une voire deux décennies dans d'autres pays : la diffusion cellulaire (Cell Broadcast).

La diffusion des alertes de ce type est simple : l'alerte est envoyée à tout téléphone "visible" ou "connecté" à une antenne relais, peu importe le type de téléphone (mobile classique ou débilophone3), peu importe le type d'abonnement (actif ou non) ou la nationalité du constructeur ou de la personne en possession du-dit téléphone.

Gros avantage de cette technologie :

  • complètement indépendant du type de téléphone ou de son système d'exploitation ;
  • ne nécessite pas l'utilisation du GPS (qui peut mettre jusqu'à 12-25 minutes suivant les conditions pour télécharger les éphémérides satellites) ;
  • ne nécessite pas de connexion Internet ;
  • prévu pour fonctionner sur un réseau dégradé ou saturé.

Ce dernier point est important.

En cas de séisme, accident technologique (penser Seveso) ou coupures majeures au niveau énergie (électricité) ou réseau (télécom), le premier service pris d'assaut est le réseau téléphonique, qui devient rapidement saturé (appels aux services de secours, ou appels des/aux proches pour rassurer ou non par rapport à la situation).

À noter : dans ces conditions, les stations de radioamateurs peuvent être utilisées pour transmettre les messages de secours4.

Du coup, pour alerter la population sur une zone géographique précise, il faut et il suffit d'envoyer un message d'alerte aux antennes (relais) présentes sur cette zone, ces antennes étant fixes et leur position connue.

En pratique

Pour des raisons de simplification, je parlerai ici de Cell Broadcast pour les SMS-CB (spécification GSM 03.41) et de SMS pour les SMS-PP (spécification GSM 03.40). Ces spécifications sont disponibles sur le site de l'ETSI.

La diffusion cellulaire fonctionne en mode uni-directionnel, de l'antenne (voire plusieurs antennes) vers le téléphone (downlink), en mode diffusion (broadcast), donc sans cibler un téléphone en particulier5. Tous les téléphones allumés présents dans la zone recevront alors le même message, quasiment en même temps.

Pourquoi ce mode broadcast ? Tout simplement parce qu'envoyer un SMS (en mode classique donc), pour chaque téléphone situé dans une zone, c'est long et lent6.

Admettons que dans une zone urbaine, il y ait 1 000 téléphones allumés et vus par une antenne (c'est pour l'exemple), cela signifie qu'il faut alors envoyer 1 000 SMS, un par téléphone. Et chaque téléphone doit alors envoyer un acquitement en retour (peu importe la classe du SMS, même en classe 0 SMS Flash). Donc 1 000 acquitements. Et si un SMS n'a pas pu être délivré, le réseau retente a nouveau, pendant un certain temps. Si le réseau est saturé ou partiellement inutilisable pendant une catastrophe, les SMS non reçus seraient réexpédiés, saturant encore plus7 le réseau.

En mode broadcast, ces problèmes n'existent pas. Tous les téléphones recoivent le même message en même temps (penser réception radio FM/DAB ou réception télévision TNT, où tous les dispositifs de réception ou assimilés orientés vers la même antenne reçoivent la station ou la chaîne en même temps).

Le SMS-CB dispose d'un canal dédié à la diffusion de messages d'urgence (CBCH Cell Broadcast CHannel), et cela a été défini dans les spécifications de la norme GSM phase 2 (2G) en 19958.

Un message peut occuper 82 octets (donc 93 caractères, parce que l'encodage des caractères est sur 7 bits et non 8), et on peut envoyer jusqu'à 15 pages de 82 octets pour former un message complet (1 395 caractères maximum en théorie). Un message peut être répété un certain nombre de fois (jusqu'à 2 880 fois, donc répété toutes les 30 secondes pendant 24 heures), ou indéfiniment jusqu'à ce que l'instruction d'arrêt de l'envoi ne soit envoyé vers les antennes.

Pour plus de détails, lire la spécification GSM 03.419 sur le site de l'ETSI (European Telecommunications Standards Institute).

La première démonstration de cette technologie a eu lieu à Paris, en 1997.

Et en France ?

Aussi absurde que cela puisse paraître, cette technologie pourtant simple et normalisée, n'est pas active/présente en France (à l'heure de la rédaction de cet article, 24 avril 2021). Non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons politiques et financières (l'argument habituel du qui doit payer ? L'opérateur téléphonique ? L'opérateur d'antenne10 ? Le gouvernement ?).

Cependant, le gouvernement a annoncé il y a quelques mois, que cette technologie devrait être (enfin !) déployée entre juillet 2021 et juin 2022, dans toute la France11.

Cela nécessitera l'activation de cette option dans les paramètres du téléphone12, parce que désactivé par défaut.

Capture d'écran d'un téléphone Android (version 6/LineageOS), montrant les paramètres de diffusion cellulaire (cell broadcast).

En 2022

Article mis à jour le 31 juillet 2022.

La diffusion cellulaire, appelée FR-ALERT a été déployé au niveau national fin juin 2022, et vient en complément des solutions d'alerte déjà présentes.

https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministere/Securite-civile/Nos-missions/L-alerte-et-l-information-des-populations/Dispositif-FR-Alert

https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15732

Cependant, la diffusion cellulaire n'est active que sur les réseaux mobiles 4G.

Pour les mobiles d'ancienne génération, la diffusion des messages d'alerte se fera par SMS géolocalisé, avec des temps de diffusion nettement plus longs. Cette solution n'est pas encore déployée (second semestre 2022).

Pour les réseaux mobiles 5G, ça sera déployé dans le futur.

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  1. Si je n'avais pas vérifié, j'aurais écrit « à la Population »
  2. Ce qui fut facturé pour « alerte attentat ».
  3. un "smart"phone n'est pas intelligent. Il est juste stupide, mais connecté à Internet.
  4. Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile.
  5. Ce qui est le contraire d'un appel téléphonique ou l'envoi d'un SMS : le téléphone est ciblé, la diffusion se fait dans les deux sens, montant (téléphone -> antenne relais) et descendant (antenne relais vers téléphone).
  6. À noter : ce reproche a également été fait par certains services de secours, médecins ou ambulanciers, qui utilisent toujours un pager compatible POCSAG/Tattoo/e*message, parce que non seulement la diffusion est plus rapide, mais également parce que c'est accepté dans les lieux où les téléphones mobiles doivent être éteints. Et oui, les pagers sont toujours utilisé en 2021, mais plus du tout par le grand-public, pour des raisons de coût et de contraintes.
  7. façon de parler.
  8. ETSI GSM 05.02 Multiplexing and Multiple Access on the Radio Path (version 3.8.0 release 95 phase 1 ~ Radio Sub - system Link Control), section 3.3.5 Cell broadcast channel (CBCH) (gsmts_0502sv030800p.pdf).
  9. Cette doc est complète et compréhensible, cependant, un minimum de connaissances en réseau/télécom peut être requis pour vraiment tout comprendre.
  10. Les antennes, ça coûte cher à déployer et à maintenir, du coup, certains opérateurs ont vendu les antennes et équipement associé à des entreprises spécialisées.
  11. https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/24/la-france-va-s-equiper-d-un-systeme-d-alerte-a-la-population-par-telephone-mobile-d-ici-a-2022_6053473_3244.html
  12. Une option que j'active systématiquement sur mes téléphones, et ce, depuis 2006.